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A l’annonce du programme Ciné Kids spécial ‘Bêtes de Films’ du Forum des Images des Halles de Paris, lumière sur le réalisateur Nigérien Moustapha Alassane, pionnier du cinéma d’animation en Afrique de l’ouest dans les années 60 et symbole d’engagement passionnel dans la création visuelle.

« Ce n’est pas un rêve, on réalise pour que quelqu’un aille rêver. C’est bon… »

Scénariste, réalisateur, marionnettiste, technicien, distributeur de films et créateur d’un logiciel éducatif d’animation, Moustapha Alassane cumulait les fonctions et les connaissances.  Fils de marchand, né à Djougou, au Bénin, en 1942, il pratique l’art du dessin dès son plus jeune âge à Ayorou, au bord du fleuve Niger. Doué et ingénieux, il s’inspire rapidement du jeu d’ombres chinoises pour créer son propre cinéma et divertir ses camarades d’histoires et de contes traditionnels.

Après des études en mécanique, il est engagé comme illustrateur au Musée National de Niamey. Il y rencontre Claude Jutra, cinéaste Québécois qui le remarque pour ses qualités de dessinateur. Intégrant le cercle de travail de Jutra, il fait la connaissance de l’ethnologue et documentariste Français Jean Rouch. Moustapha Alassane devient l’assistant de ce dernier qui produit des films de développement sur le Niger. Touche à tout apprenant les techniques sur le terrain, il réalise en 1962 ses deux premières fictions inspirées de contes traditionnels Djerma : Aouré et La Bague du roi Koda. En 1965, grâce au soutien de Claude Jutra, il effectue un stage à l’Office National du Cinéma du Canada auprès de Norman MacClaren, maître incontesté du cinéma d’animation. Il y réalise La mort du Gandji, premier film d’animation du réalisateur. Le film, résolument humoristique, se déroule au cœur de la brousse, dans un village de crapauds terrorisé par un monstre nommé ‘Gandji’.

 

Chef du village dans La mort du gandji (1965)

Curieux et travailleur, Moustapha Alassane voyage entre Paris et Dakar au début des années 60. Dans une chambre du quartier de Pigale il crée Bon Voyage Sim (1966), court-métrage d’animation qui recevra le grand prix de sa catégorie et l’anti­lope d’argent au pre­mier fes­ti­val des Arts Nègres à Dakar. Critique ouverte de la politique d’états africains, il y raconte les pérégrinations diplomatiques de Sim, chef crapauds d’une ‘République d’amphibiens ‘, détrôné par un rival lors d’un voyage à l’étranger. Sur le ton humoristique propre au réalisateur, le film porte un message fort qu’il auto-censure au montage en coupant une fin explicite et provocante.

Avide d’opportunités nouvelles, il réalise en 1966 une fiction audacieuse et surprenante : Le retour d’un aventurier, western pop-art expérimental décrivant une jeunesse nigérienne éprise de liberté et de rêves!

F.V.V.A (Femme,Villa, Voiture, Argent), son premier long-métrage est une satire dénonçant l’arrivisme des nouveaux riches en Afrique. Réalisé en 1977, il y décrit la vie sociétal d’un jeune Nigérien de la fonction publique rendu au vol pour assouvir ses désirs consuméristes et sa soif de pouvoir. A travers son travail et ce film, c’est une jeunesse disruptive nous est représentée. Jeunesse jonglant entre respect des traditions et pulsions consuméristes liées à l’ouverture économique du pays.  D’un réalisme frappant, on découvre l’empathie et l’humour subtil du jeune réalisateur.

Contraint financièrement par les politiques budgétaires du Niger, Moustapha Alassane s’investit principalement dans la création de films animés.  Maniant l’art de la marionnette, il délivre en 1977 Samba Le Grand, premier film d’animation Nigérien en couleur.  Accompagné de la voie de Jean Rouch à la narration, le film est une métaphore des engagements politiques non tenus de dirigeants occidentaux, berçant d’espoir et de désillusions certaines communautés africaines. L’histoire évoque le destin de Sambagana, héros de guerre et aventurier inlassable au service d’Analiatoubari, princesse de Faraka.

Marionnette du dialli Kouyaté dans Samba Le Grand (1977)

Sur l’ensemble de sa carrière, de 1962 à 2003, Moustapha Alassane réalisera 28 films attachés aux genres de la fiction, de l’animation et du documentaire. On citera notamment Kokoa (2001-ci-contre) son dernier chef d’œuvre d’animation en couleur. Décrivant un combat de lutte traditionnelle entre plusieurs espèces d’animaux, le réalisateur adapte les traditionnelles luttes régionales qui suivent la période des récoltes.

 Installé à Tahoua dès les années 1980, il développe à partir de 2000 ses projets avec l’aide de sa famille et consacre son énergie à la transmission au sein de son école de réalisation : le studio Adler. Directeur de la section cinéma de l’Université de Niamey pendant 15 ans, il reçoit en 2007 la Légion d’Honneur durant le Festival de Cannes. Son travail fera l‘objet d’une rétrospective posthume au MoMa de New York en 2017.

Terminant sa vie en 2015 à Ouagadougou, au Burkina Faso (Litt. ‘Pays des intègres’), Moustapha Alassane incarne la détermination de créer et un pan de cinéma Nigérien ingénieux, riche, au service d’idéaux républicains:

« Pour moi, le cinéma peut et doit servir à modifier la mentalité de la masse. Chacun de mes films touche à la politique, ne serait-ce que parce qu’il suscite un intérêt auprès de la masse et est susceptible de lui faire prendre conscience de sa culture. Je pense que, pour le moment, le cinéma n’a pas suffisamment prouvé au monde que l’Afrique a une culture propre. Il doit pouvoir éveiller la conscience du spectateur sur des problèmes spécifiquement africains et guider l’Afrique dans une direction plus viable. » – Moustapha Alassane

par William L-B

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